Carney : Ne jouons pas avec la sécurité alimentaire du Canada

L’éditorial suivant a été publié dans sa version originale en anglais dans le Hill Times le 4 août 2025.

Opinion | Par MILTON DYCK |

En tant que Canadiens, nous sommes fiers de la sécurité, de la qualité et de la durabilité de notre alimentation. D’un océan à l’autre, nous avons confiance que ce qui se retrouve dans nos assiettes a été rigoureusement inspecté, appuyé par la science et garanti par des fonctionnaires dévoués. Mais cette confiance — et le système qui la soutient — est aujourd’hui menacée.

Milton Dyck est le président national du Syndicat de l’Agriculture. Photo fournie

La récente proposition de Mark Carney visant à réduire les dépenses fédérales peut sembler être une mesure économique prudente, mais pour ceux d’entre nous qui sont en première ligne de la sécurité alimentaire et du développement agricole, c’est un signal d’alarme. Le Syndicat de l’Agriculture représente près de 7 500 fonctionnaires, dont la majorité travaille pour l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Nos membres sont les défenseurs de la santé publique, les soutiens de l’agriculture durable et les garants d’une chaîne alimentaire sécurisée. Réduire les ressources de l’ACIA et d’AAC ne compromettrait pas seulement la santé publique et la sécurité alimentaire — cela pousserait aussi des travailleurs déjà surchargés au bord de la rupture.

La fonction publique fédérale a effectivement connu une croissance sous le gouvernement Trudeau, principalement en réponse à la pandémie de COVID-19 et à une population en forte croissance. Mais la réalité est bien différente pour les ministères qui protègent notre alimentation. Depuis 2012, les effectifs de l’ACIA et d’AAC ont diminué de façon constante. En fait, ces ministères étaient mieux dotés sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper qu’ils ne le sont aujourd’hui. En 2012, l’ACIA comptait 6 580 employés, contre 6 380 aujourd’hui. Cela représente une baisse de 3 %, alors que la population canadienne a augmenté de 13 % au cours de la même période.

Ce n’est pas seulement une question de personnel — c’est une question de sécurité nationale. La sécurité alimentaire a été explicitement mentionnée par le roi Charles III dans le plus récent discours du Trône. Les Canadiens se rallient de plus en plus au mouvement « acheter canadien », reconnaissant l’importance de la production alimentaire nationale alors que notre souveraineté est menacée par nos voisins du sud. Mais comment protéger notre souveraineté alimentaire si nous démantelons les institutions mêmes qui la garantissent ?

Les risques sont bien réels. Aux États-Unis, le démantèlement de la Food and Drug Administration par le président Trump a déjà suscité des inquiétudes chez les experts en alimentation. Comme l’a récemment rapporté The Globe and Mail, le système canadien de sécurité alimentaire est désormais sous pression pour détecter ce que les États-Unis ne contrôlent plus. Affaiblir la surveillance de l’ACIA nous rendrait vulnérables à des éclosions plus fréquentes — et plus dangereuses — de maladies d’origine alimentaire, comme l’incident de listériose de 2024 qui a rendu des Canadiens malades et mis en lumière les failles de nos algorithmes d’inspection.

Par ailleurs, AAC joue un rôle crucial dans la recherche et l’innovation agricoles. Face aux changements climatiques, nous avons besoin de plus d’investissements dans des cultures résilientes, des pratiques durables et l’innovation des systèmes alimentaires — pas moins. Réduire les ressources d’AAC maintenant reviendrait à couper dans les services d’incendie en pleine saison des feux de forêt.

Et n’oublions pas les personnes derrière ces services. Selon le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux 2024–2025, le stress et l’épuisement sont déjà répandus dans l’ensemble de la fonction publique. Dans des ministères comme l’ACIA et AAC, où le personnel est surchargé et où les enjeux sont élevés, de nouvelles coupes seraient dévastatrices. Le moral est bas, les charges de travail sont élevées, et le risque de perdre des professionnels expérimentés augmente.

Nos membres — inspecteurs, scientifiques, techniciens et personnel de soutien — sont fiers de servir les Canadiens. Ils veillent à ce que notre nourriture soit sécuritaire, que nos fermes soient soutenues et que notre économie agricole demeure forte. Mais ils ne peuvent pas faire plus avec moins. Ils ont besoin de soutien, pas d’austérité.

Si M. Carney souhaite réellement bâtir un Canada plus fort, il doit reconnaître que la sécurité alimentaire est essentielle à une nation forte. Il s’agit de protéger nos enfants, nos aînés et nos communautés. Il s’agit de garantir que les agriculteurs et producteurs canadiens puissent prospérer dans un climat et un monde en mutation. Et il s’agit de valoriser les fonctionnaires qui rendent tout cela possible.

Nous exhortons les députés à rejeter les coupes à courte vue qui mettraient en péril notre système alimentaire. Investissons plutôt dans les personnes et les programmes qui assurent la sécurité, la santé et le bien-être des Canadiens.

Le Syndicat de l’Agriculture est prêt à collaborer avec tout dirigeant qui partage cette vision. Mais nous ne nous tairons pas pendant que notre sécurité alimentaire est mise en danger.

Milton Dyck est président national du Syndicat de l’Agriculture depuis son élection en 2020. Il a auparavant travaillé comme technicien en sélection du blé pour AAC à Swift Current, en Saskatchewan, contribuant au développement de variétés de blé améliorées pour les agriculteurs canadiens et le public canadien qu’ils nourrissent.

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